Dans un nouveau rapport, l’organisation Médecins sans frontières (MSF) alerte sur le nombre croissant de victimes de violences sexuelles par heure en République Démocratique du Congo (RDC) en 2023.
Les chiffres alarmants se sont poursuivis, les équipes ayant traité près de 70 % des cas enregistrés en 2023 durant les cinq premiers mois de 2024 seulement.
MSF appelle les acteurs internationaux et nationaux à investir dans la lutte contre les violences sexuelles.
Dans ce rapport rétrospectif, MSF révèle qu’en 2023, en collaboration avec le ministère de la Santé, elle a pris en charge un nombre sans précédent de victimes et survivants de violences sexuelles en RDC. Cette tendance à la hausse s’est poursuivie au début de 2024. MSF appelle tous les acteurs nationaux et internationaux à prendre des mesures urgentes pour mieux prévenir cette crise et améliorer la prise en charge des survivants.
En 2023, les équipes de MSF en RDC ont contribué à traiter 25 166 victimes et survivants de violences sexuelles à travers le pays, soit plus de deux par heure.
Ce chiffre, le plus élevé jamais enregistré par MSF en RDC, est basé sur les données de 17 projets mis en place en soutien au ministère de la Santé dans cinq provinces congolaises : le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, l’Ituri, le Maniema et le Kasaï-Central.
« Au cours des années précédentes (2020, 2021, 2022), nos équipes ont traité en moyenne 10 000 victimes par an dans le pays. L’année 2023 marque donc une augmentation massive des admissions », précise MSF dans le rapport.
Cette tendance s’est encore accélérée au début de 2024. Dans la seule province du Nord-Kivu, 17 363 victimes et survivants ont été pris en charge par MSF entre janvier et mai. À peine la moitié de l’année écoulée, cela représentait déjà 69 % du nombre total de victimes prises en charge en 2023 dans les cinq provinces mentionnées ci-dessus.
Les femmes déplacées : premières victimes
« Les données 2023 présentées dans le rapport Nous appelons à l’aide montrent que 91 % des victimes prises en charge par MSF en RDC ont été admises dans la province du Nord-Kivu. Des affrontements entre le groupe M23, l’armée congolaise et leurs alliés respectifs font rage dans cette province depuis fin 2021, forçant des centaines de milliers de personnes à fuir », ajoute MSF dans son rapport.
La grande majorité des victimes (17 829) ont été prises en charge dans des sites de déplacés autour de Goma, la capitale du Nord-Kivu. Le nombre de sites de déplacés n’a cessé de croître tout au long de l’année 2023.
« D’après les témoignages de patients, les deux tiers d’entre eux ont été attaqués sous la menace d’une arme. Ces attaques ont eu lieu sur les sites eux-mêmes, mais aussi aux alentours lorsque les femmes et les filles – qui représentaient 98 % des victimes prises en charge par MSF en RDC en 2023 – sortaient pour aller chercher du bois ou de l’eau, ou pour travailler dans les champs », explique Christopher Mambula, responsable des programmes de MSF en RDC.
Violences et déplacements au Nord-Kivu
Vue d’un camp de réfugiés à Goma, où des milliers de personnes ont été déplacées en raison des combats en cours au Nord-Kivu, République Démocratique du Congo, février 2024.
Si la présence massive d’hommes armés dans et autour des sites de déplacés explique cette explosion des violences sexuelles, l’insuffisance de la réponse humanitaire et les conditions de vie inhumaines dans ces sites alimentent également le phénomène. Le manque de nourriture, d’eau et d’activités génératrices de revenus aggrave la situation de vulnérabilité des femmes et des filles (1 victime sur 10 soignée par MSF en 2023 était mineure), qui sont contraintes de se rendre dans les collines et les champs voisins où se trouvent de nombreux hommes armés. Le manque d’assainissement et d’abris sûrs pour les femmes et les filles les rend vulnérables aux attaques.
D’autres sont victimes d’exploitation sexuelle pour subvenir aux besoins de leur famille.
« Sur le papier, il semble y avoir de nombreux programmes pour prévenir et répondre aux besoins des victimes de violences sexuelles. Mais sur le terrain, dans les sites de déplacés, nos équipes luttent chaque jour pour orienter les victimes qui ont besoin d’aide », poursuit Christopher Mambula.
« Les quelques programmes qui existent sont toujours trop éphémères et manquent cruellement de ressources », explique-t-il. « Il faut faire beaucoup plus pour protéger les femmes et répondre aux besoins urgents des victimes. »
Appel à une meilleure protection et à des conditions de vie améliorées
« Nous appelons toutes les parties au conflit à garantir le respect du droit international humanitaire. Nous demandons notamment l’interdiction absolue des actes de violence sexuelle, ainsi que le respect du caractère civil des sites de déplacement. La protection des personnes prises dans les combats doit être une priorité. Cet appel s’adresse également aux acteurs des programmes humanitaires », renchérit MSF.
MSF appelle également à l’amélioration des conditions de vie dans les sites de déplacés internes. L’accès doit être amélioré pour répondre aux besoins de base – nourriture, eau, activités génératrices de revenus – ainsi que l’amélioration des installations sanitaires et des abris sûrs et bien éclairés. Ces investissements doivent s’accompagner d’efforts accrus de sensibilisation aux violences sexuelles. Le financement humanitaire doit être suffisamment flexible pour répondre aux besoins émergents et urgents, et les partenaires de mise en œuvre doivent faire preuve de responsabilité dans l’exécution des interventions.
Rédaction.